Il y a exactement 10 ans, le 24 juin 2010, allait avoir lieu un peu prometteur Italie / Slovaquie au cœur de la phase de poule de la coupe du monde de la Fifa en Afrique du Sud. 5 jours auparavant, les joueurs français avaient fait « briller » la France grâce à une grève mémorable dans un bus dans la petite ville de Knysna… 10 ans que cet évènement planétaire extraordinaire a eu lieu, le premier du genre sur le continent africain. Que reste t’il de tout cela en Afrique du Sud ? Quelles leçons pouvons-nous en tirer avec le recul aujourd’hui en regardant l’Afrique du Sud, 10 ans après ?
Que reste t’il de la Coupe du Monde de 2010 ?
Vous aurez noté qu’avant chaque évènement sportif planétaire, invariablement, les partis, peuples et médias dénoncent les montants délirants investis. Et combien on n’en parle plus après. La réalité est que cet évènement a considérablement transformé les infrastructures des différentes villes concernées au premier titre desquelles Le Cap et Johannesburg. Car le premier bénéfice d’un tel évènement, où qu’il se déroule, réside dans le coup d’accélérateur en investissement infrastructurel. Les aéroports rénovés ou construits qui permettent de changer de dimension à l’image notamment de celui de Johannesburg. Les routes construites ou élargies comme la M1 ou autres grandes artères qui ont (temporairement) désengorgé la capitale économique du pays. Le développement de transport urbain tel que les lignes de bus rapides qui furent si décriées alors (mais qui furent bien longues à mettre en place). Le fameux Gautrain, sorte de métro aérien et souterrain qui relie l’aéroport à Joburg et Pretoria en un temps record… Les grandes autoroutes régionales comme la N4 pour rejoindre Nelspruit ou la N1 pour rejoindre Polokwane… La construction de stades majeurs comme le « pot de terre » à Joburg ou le superbe stade à Granger Bay au Cap qui a modifié la physionomie de la ville vue de la mer. Les routes urbaines autour du Waterfront et la banlieue élargie ont évolué dans la cité mère de l’Afrique du Sud mais il faut l’avouer : le Cap n’a pas autant changé que Joburg.
Joburg et quelques petites villes de province furent les grandes gagnantes et aujourd’hui encore, elles vivent des bienfaits de ce petit mois de juin 2010 où le monde regardait ces joueurs tenter d’attendre le toit du monde du football. Johannesburg est revenue au centre de la carte de l’Afrique du Sud. Et d’ailleurs, la nombreux investissements dont les investissements hôteliers, ont permis de transformer Johannesburg en une destination touristique et ce que certains appellent le « Berlin » de l’Afrique. Depuis des quartiers émergents ont vu le jour dans la ville et en dehors comme Maboneng ou encore Midrand (entre Joburg et Pretoria) mais elle reste encore soumise à ses vieux démons au premier rang desquels l’insécurité.
Quelles leçons tirer de cet évènement aujourd’hui ?
La première et la plus importante est que comme à son habitude, le monde regardait cet évènement mondial, le premier du genre en Afrique, comme une potentielle catastrophe. On regardait le continent dans son ensemble comme une terre incapable d’accueillir en sécurité les visiteurs ; on envisageait le chaos, on craignait le manque d’infrastructure, bref on craignait le pire. Et au final, l’Afrique du Sud a offert le visage d’un peuple uni autour de cet évènement, accueillant, sûr, bien qu’un peu bruyant à cause des fameux vuvuzela qui furent la véritable bande son de chaque match. Et au-delà du pays lui-même, ce fut une formidable vitrine pour le continent et depuis les visiteurs se font de plus en plus nombreux un peu partout. La peur de l’Afrique, bien qu’encore persistante, a baissé pour en voir les bons côtés. Tout ne fut pas parfait et le regard des français fut corrompus par la débâcle de son équipe face au monde entier.
Knysna, joli port au cœur de la route des jardins est devenu le symbole d’une honte qui résista longtemps à l’usure du temps, Bloemfontein fut le théâtre d’une défaite mémorable contre le pays hôte et la compétition fut une lente agonie tricolore alors que le spectacle était assuré par des espagnols galactiques qui allaient dès lors régner sur le monde du football.
Les villes inconnues et très provinciales eurent aussi les bénéfices de tout cela. La cause, une spéculation sur les chambres d’hôtel qui poussa les opérateurs à chercher des chambres dans des lieux improbables. Je me souviens encore ému des villes d’Ermelo ou de Harrismith, sans intérêt aucun mais qui avaient l’avantage d’être à équidistance des grands stades, au milieu de nulle part. Ces villes perdues eurent leur part de coupe du monde aussi et ces voyageurs bien particuliers. Soweto devenait aussi un incontournable. Après les matchs et avant les bars où la bière coulait à flot, le passage par Soweto montra aussi le visage de cette nation moderne et imparfaite qui avançait malgré le poids de son histoire.
J’en retiens quoi ?
A titre personnel, ce fut une formidable période puisque j’ai eu la chance de vivre tout cela de l’intérieur, étant au cœur de l’organisation pour les supporters français et algériens. Une découverte aussi de l’organisation d’évènements de masse et d’un public… particulier. Malheureusement personne au sein de l’organisation n’en a retiré le moindre bénéfice financier. Mais l’essentiel était et est encore aujourd’hui d’en avoir été, d’avoir vécu ce moment de concorde et d’espérance… L’Afrique du Sud a prouvé qu’elle pouvait et au-delà, le continent a pris sa place, bien fragile, au cœur du monde. On continue de craindre le pire avant même qu’il n’arrive, de regarder le continent avec une certaine complaisance voire dénigrement mais cet évènement fut le début d’une renaissance, le début d’un long chemin que le continent entreprend, bon an mal an, montrant au monde que le chemin qu’elle prend vaut le coup de s’y attarder…
La fête, la fatigue, la route, la musique, les combines aussi, les maillots et les drapeaux géants, ces rencontres par centaines, les nuits sans sommeil, le stress ultime et la tension mais aussi les joies d’être là. Les demandes absurdes, la grandeur et décadence comme seuls les supporters peuvent les exercer, cette coupe du monde, ma coupe du monde, demeure comme un marqueur… celui d’un retour …
Ce fut aussi et enfin la rencontre avec Diambars de Jimmy Adjovi Boco et son équipe, le soutien d’une école de foot fabuleuse qui poursuit son chemin sur le continent et d’une vision humaniste du sport. Bref, ce fut un moment inoubliable qui vous construit.
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