L’Afrique du Sud n’est pas passée à côté de cette pandémie mondiale… elle est l’un des pays les plus touchés du continent africain et si cette pandémie invite à la prudence et à l’humilité, le pays s’est mis en ordre de marche dans cette lutte. En ce jour de la liberté en Afrique du Sud, célébrant le jour de la première élection démocratique dans le pays en 1994, il m’est apparu essentiel de faire un point sur ce qui bouleverse le pays comme le monde et faire un point d’étape…
Les raisons d’y croire
L’Afrique du Sud s’est très rapidement confinée. En même temps que les autres pays dans le monde, alors que l’épidémie n’en était encore qu’à ses débuts. L’espace aérien a rapidement été fermé dès mi-mars mais en laissant le temps aux étrangers de quitter de pays sans réel stress. L’épidémie n’en était alors qu’à ses débuts et c’est peut être l’un des raisons pour laquelle la fameuse courbe s’aplatit nettement depuis quelques semaines. Le nombre de morts (au 27 avril, 87 décès pour 4546 cas détectés) demeure relativement faible, mais surtout, les décisions prises très tôt par le gouvernement sud-africain. Cela a laissé le temps au pays de se mettre en ordre de marche pour anticiper une pandémie bien plus grave, étendue et meurtrière dans le pays. L’aide de la Chine soit directement soit via le milliardaire Jack Ma, les aides reçues de l’Europe et aussi timidement des Etats Unis, mais aussi de diverses fondations dont celle de Bill Gates ont permis au système de santé déjà très performant du pays, de se procurer des masques et autres outils de prévention mais aussi des respirateurs si précieux. Ainsi d’ici un mois, l’Afrique du Sud sera prête à soutenir sa population. Certaines sources estiment cependant que le fameux « pic » ne serait atteint qu’en septembre 2020… il s’agit donc de rester prudent sur la suite.
Le confinement sud-africain a globalement été respecté même si comme partout dans le monde, les quartiers dits populaires, en clair les townships, ont bien plus de mal à le respecter donnant lieu à Johannesburg ou au Cap et dans quelques villes de provinces à quelques émeutes de la faim assez préoccupantes. L’interdiction de la vente d’alcool n’a pas arrangé la situation mais sans doute l’inverse n’aurait pas aidé non plus… Le fait est que le confinement est respecté et que les chiffres mesurant l’évolution du coronavirus montre son efficacité. La population principalement jeune (plus jeune qu’en Europe ou aux Etats Unis) et souffrant moins de l’obésité en % sont autant d’atouts pour la maîtrise de cet épidémie meurtrière.
Le consensus semble se faire autour du président Ramaphosa qui s’exprime régulièrement et a pris les mesures nécessaires tant au niveau sanitaire qu’au niveau économique. Sur ce dernier point, les débuts furent timides et limite décevant financièrement. Mais une enveloppe de plusieurs dizaines de milliards de rand sortie la semaine dernière donne potentiellement de l’air pour soutenir les entreprises… enfin celles qui remplissent les conditions pour obtenir des prêts garantis par l’Etat… mais tout le monde se réjouit que cette crise arrive sous ce président et non sous Zuma qui aurait fait passé Trump et Bolsonaro pour des intellectuels doués de vision éclairante pour leur peuple. Bref de nombreux voyants sont au vert… sauf que…
Les raisons de rester prudent
Cependant, si le coronavirus devait se répandre encore plus vite dans des climats frais, tout cela ne fait que commencer. En juin, l’Afrique du Sud rentrera dans son hiver austral avec ses températures très fraîches voire froides la nuit. Le pays sera alors dans des conditions climatiques qui pourraient permettre au virus de se répandre plus vite et plus longtemps… la difficulté de mettre en place un confinement strict dans les zones les plus pauvres et les moins protégées est un autre risque. Si l’Afrique du Sud n’a pas un système de santé aussi discriminant qu’aux Etats Unis mais les salariés couverts par des mutuelles sont plus couverts et ont accès à des soins de meilleure qualité. On peut toutefois espérer que les investissements récents permettront aux hôpitaux publics de relever le challenge.
Une grande partie de l’économie, notamment dans les townships, est informelle. Dans de tels cas, confinement rime avec arrêt brutal de toute entrée d’argent et aucun droit aux aides publiques. C’est sans doute la menace la plus importante qui menace le pays en cas de confinement long. Il semble que le confinement strict prendra fin début mai ou du moins s’assouplira ce qui devrait apporter de l’air frais au pays…
Liée au monde, l’Afrique du Sud subit aussi la fermeture des frontières notamment dans deux domaines fondamentaux : l’agriculture et le tourisme. Les exploitations agricoles qui exportent leurs fruits et légumes dans le monde, principalement depuis les exploitations céréalières de l’Etat Libre ou les exploitations fruitières du Sud, se voient privées de débouchés, l’industrie du vin, très puissante également dans la région du Cap, souffre fortement de plusieurs arrêts : celui des exportations à l’étranger et celui de la consommation intérieure.
Et le tourisme dans tout ça
Les voyageurs ont cessé d’arriver en Afrique du Sud et le confinement a aussi entraîner l’arrêt du tourisme intérieur. Hôtels, guest house, parcs et réserves (dont le rôle pour la préservation est capital) ont cessé leur activité. Les guides, souvent free lance, les transféristes et tous les petits boulots associés ont immédiatement subi un arrêt de leur activité et aussi de leurs rentrées d’argent. Difficile de savoir quand les frontières rouvriront et dans quelles conditions. Mais comme en France, l’Afrique du Sud peut compter sur un marché intérieur important. Si les étrangers ne viennent pas, les sud africains, eux, voyagent beaucoup dans leur pays et pourront utiliser les prestations hôtelières désormais vidées de leurs étrangers. Mais la lutte est loin d’être terminée. Si de nombreux acteurs ont accepté des reports sans frais, combien auront la trésorerie pour repartir le moment venu. Le marché va donc et sans aucun doute se contracter. Les aides publiques suffiront elles à les maintenir en vie et à sauver ces millions d’emplois ? La chute de la compagnie nationale South African Airways, déjà en grand danger avant la crise montre aussi l’incapacité de l’Etat sud-africain à gérer et maintenir à flot des domaines clés de l’économie. La faillite programmée d’Eskom (l’EDF local) qui faisait subir des coupures d’électricité dans tout le pays, celle de SAA et peut être aussi la faiblesse des Parcs Nationaux sont autant de secteurs qui devront sortir du joux de l’Etat pour atteindre enfin une certaine sécurité financière… mais cela, ce sera pour le monde d’après.
Aujourd’hui, j’ai le sentiment que le pays tout entier est en mode combat, rangé comme un seul homme derrière son président pour affronter une crise sans précédent avec ce léger avantage de devoir la subir après les autres ; de pouvoir ainsi s’inspirer des meilleures méthodes pour la contrer et aussi de l’aide éventuel des pays qui s’en seront (enfin) sortis… Mais à l’heure où les certitudes ont la vie dure, il est heureux de voir comment l’Afrique du Sud, mais aussi les autres pays de la sous région ont anticipé la crise et la gèrent aujourd’hui… J’ai confiance…
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