Les villes africaines en général ont mauvaise presse : insécurité, bazar ambiant, saleté, désordre et faiblesse des activités culturelles… très souvent les voyageurs en Afrique prennent un malin plaisir à éviter les grandes villes. En cela, ils sont aidés par les agents de voyage qui, notamment pour les « spécialistes », savent vendre les réserves mais sont totalement nuls pour vendre une expérience urbaine. Si vous ajoutez à cela une attente exprimée pour voir le moins de ville possible de la part des voyageurs, vous avez le cocktail parfait pour faire des villes africaines, des endroits hors des sentiers battus.
Pour l’Afrique du Sud, exception faite du Cap, qui attire toujours plus de voyageurs avec son image trendy (à discuter d’ailleurs) et la beauté de son site naturel, les villes sont mal-aimées, mal connues, bref évitées. Et pourtant, aujourd’hui nous ne parlerons pas du Cap car à bien des égards, le Cap devient une énorme destination touristique. Son image « européenne », l’art de vivre qui se dégage de cette région et l’omniprésence de la mer (même froide) en font un must, un incontournable. Mais qu’en est il de Durban, Port Elizabeth, Johannesburg ou Pretoria…
Durban et Port Elizabeth sont de grands ports situés sur l’océan indien ; jadis villes modernes, elles sont aujourd’hui un peu dépassées et pourtant, elles demeurent intéressantes. La brassage des cultures, la grande présence d’étudiants, le rayonnement régional de ces villes impliquent que l’on y croisera des gens, des ethnies et des personnalités assez singulières. Ces villes de l’océan indien, contrairement à la star « capetonienne », ont des eaux chaudes (certes aussi peuplées de requins), elles ont sur leurs plages ou aux alentours de grandes colonies de surfeur et un climat doux voire tropical qui rend un séjour agréable pour le corps. Mais l’intérêt ne se limite pas à ces aspects physiques : Durban est la plus grande ville indienne en dehors de l’Inde ; de nombreux bâtiments coloniaux résistent à la pression molle des gratte-ciels et l’ambiance en devient presque caribéenne. Ce sont des villes où l’on fait aussi la fête, à croire que le climat aide à cela. Elles ont aussi des personnalités que l’on retrouve jusque dans l’assiette. Et enfin, on y croise des vrais « gens »; pas des étrangers ou des locaux déconnectés du reste du pays. Et ces villes bougent, se renouvellent… bref si l’on veut découvrir un autre visage de la vraie Afrique du Sud et passer au large des wagons de touristes, il est urgent de s’y arrêter.
Johannesburg et Pretoria souhaitent devenir des incontournables… elles y travaillent et leur province (le Gauteng) avec elles. Pas simple. La réputation et la réalité liée à l’insécurité ambiante freinent toujours le développement touristique de ces zones. Mais il est intéressant de noter que même les locaux connaissent assez mal leurs villes. Ainsi, récemment, une journaliste me disait que les gens vivaient dans des boites ou des carrés, allant aux mêmes endroits et n’en sortant jamais. J’ai même des personnes bien informées qui m’ont confirmé que les habitants de Pretoria étaient bien plus attirés par la culture que ceux de Joburg… cela dépend aussi de la couleur. Globalement, ces villes sont mal aimées :
Pretoria est longtemps restée la ville culturelle par excellence, habituée à recevoir les groupes de touristes pour voir Union Building (parlement emblématique du pays), le Voortrekker Monument (blockhaus dont la fresque intérieure sculptée retrace l’aventure du grand trek) ou la maison de Paul Kruger. Mais si ces monuments peuvent valoir la peine d’être vus, Pretoria se débarrasse peu à peu de son image vieillotte et son passé symbole de l’apartheid… quelques quartiers sortent de l’ombre, des resto se distinguent et cette ville coupée en trois entre sa population modeste du centre, ses afrikaners aux coupes de cheveux tout droit sorties des années 80 et ses diplomates et officielles qui vivent cachés dans de belles demeures cossues.
Johannesburg est quant à elle la ville la plus mal aimée, évitée, crainte… les américains qui auraient été contraints d’y rester choisiront entre le Four Seasons et le Saxon. Beaucoup resteront dans l’un des hôtels de l’aéroport (la majorité) et certains enfin s’agglutineront dans le quartier de Sandton qui était à l’avant-garde… dans les années 90. Et quelques fous choisiront des adresses de charmes (Satyagraha House ou d’autres guest houses de belle qualité mais avec moins d’histoire), certains choisiront Melrose Arch (un « sandton » mais plus moderne et tout aussi insipide) et d’autres iront même jusqu’à tenter une nuit dans les townships. Mais si l’on va à Johannesburg, c’est pour découvrir 4 axes principaux : les vestiges de la lutte anti apartheid (ils sont nombreux mais le plus fameux et le musée de l’apartheid aux portes de Soweto ou Soweto elle-même), les aspects économiques de la ville (le diamant, l’or, l’histoire des mines avec le Worker’s Museum), l’aspect contemporain énorme (avec le WAM, musée d’art contemporain, Maboneng ou Braamfontein, quartiers branchés et arty) ou plus loin Nirox) et l’aspect souvent méconnu lié au site paléontologique de Cradle of Humankind (site des premiers hominidés classé au patrimoine mondial et seulement situé à quelques dizaines de kilomètres de la ville).
Alors, il n’y a rien à voir dans les villes sud africaines ? Certes, l’envie de départ était peut être la brousse et le Cap. Mais quel gâchis que de passer à côté de ces trésors cachés, de ce côté vibrant, actuel et enthousiasmant de l’Afrique du Sud. Alors, évidemment, cela demande des efforts et le voyageur ne sera que peu aidé en cela par les professionnels (à l’exception de quelques uns)… Aller en Afrique du Sud sans découvrir les villes et les vraies villes sud africaines est, j’ose le dire, une faute de goût absolue. C’est surtout ne pas donner sa chance à l’Afrique du Sud de montrer toute sa diversité et son énergie.
Commentaires récents