Les voyageurs où qu’ils partent dans le monde sont toujours demandeurs pour sortir des sentiers battus… et puis finalement, ils vont toujours sur les sentiers battus… une sorte de fatalité dictée par l’intérêt des régions où l’on va. Voici pourquoi aujourd’hui, je souhaite parler d’une ville sans intérêt, Ermelo.
Ermelo est une ville située entre Johannesburg et le Swaziland, sur une route fortement fréquentée par les représentants commerciaux et les routiers. Mais pas un touriste. La région en est simple. Il est rare que l’on rentre du Swaziland vers Johannesburg. Soit on descend vers le pays zulu puis Durban, soit dans l’autre sens, on remonte vers le parc Kruger. Dans les deux cas, le Swaziland est l’étape obligée et Ermelo, par conséquent, abandonnée à sa vie « normale ».
Comment ai-je connu cette ville improbable ?
Lors de la préparation de la Coupe du monde 2010, nous devions trouver un camp de base pour les supporters ; les grandes villes, gonflées d’orgueil avaient déraisonnablement gonflé leurs prix et il nous fallait donc se mettre loin des villes, pour avoir des prix abordables mais aussi des conditions de sécurité optimum. Pour cela, rien de mieux que de prendre une ville, que nous investissions totalement, en y mêlant tous les acteurs locaux. C’est ainsi qu’un jour d’hiver austral 2009, nous sommes arrivés à Ermelo après 2h30 de route relativement ennuyeuse faite de villes sans charme et de paysages sans relief. Cela dresse déjà le tableau. Pour y aller, il fallait déjà affronter un paysage disons « commun ».
Pourquoi aller quand même dans une ville sans intérêt ?
Ma première réponse serait tout d’abord dans la question : parce qu’elle n’a aucun intérêt. Ici l’industrie, c’est l’agriculture ou les relais routiers. Une ville comme il en existe tant avec ses quartiers résidentiels aux briques rouges, son township misérable et ses petits commerces concentrés sur l’artère centrale. La vraie raison comme dans ces dizaines de villes en dehors des tracés touristiques, est qu’ici on rencontre une autre Afrique du Sud et on peut la rencontrer vraiment. Vous n’êtes pas un étranger parmi d’autres. Vous êtes l’étranger. Alors, les portes s’ouvrent plus facilement, l’ambiance est plus détendue, plus ouverte, plus rurale. Ici, tout devient possible. Le soir au pub, on rencontre les gens de passage et les résidents, on peut discuter avec tout le monde et aller voir l’intime vie des gens, sans voyeurisme et sans se sentir voyeur. Bref la vraie vie des vrais gens… comme chacun de nous. Mais ces moments de vérité sont souvent ceux que l’on garde et qui viendront sculpter en nous l’opinion que nous nous ferons de l’Afrique du Sud. Il faut avoir une vision générale, comprendre toute la diversité d’un pays.
Qu’y découvre-t-on ?
On y découvre le passe temps des gens qui vivent dans ces zones. Le travail souvent, la pêche à la ligne ou à la mouche (fly fishing) dans les Dams voisins. On y découvre quelques zones historiques, reliques du grand trek, village de pionniers. Comme souvent quand on se retrouve dans une région « sans intérêt », les offices du tourisme locaux, souvent démunis fourmillent d’idées pour placer leur ville au cœur de tout. On y découvre une vie organisée, la séparation encore visible, une nonchalance généralisée, et puis quelques spécialités culinaires personnalisées (Boerwoers revus et corrigés).
Plus largement, je pense qu’un voyage, au vrai sens du mot Voyage, doit aussi intégrer ces endroits sans intérêt, car se perdre et souvent le meilleur moyen de se retrouver, car la solitude est le vrai luxe, être le seul étranger est souvent la promesse de découvrir ce que personne d’autre n’a vu.
Prenez votre temps et aller le perdre à Ermelo
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