Gilbert Sinoué est un écrivain bien connu au parcours atypique, égyptien d’origine, ce romancier a déjà écrit de nombreux ouvrages, la plupart ayant un lien avec son pays d’origine dont « les nuits du Caire ». Mais depuis avril 2014, il a sorti un ouvrage original qui aborde pour la première fois en français la vie de Gandhi en Afrique du Sud, « La nuit de Maritzburg » (éditions Flammarion). Cet ouvrage est un roman mais dès lors que l’on s’attaque à une icône universelle telle que Gandhi, le risque est énorme.
Je l’ai rencontré jeudi 10 juillet 2014 et nous avons échangé sur sa démarche, son travail sur ce roman en parallèle avec le projet Satyagraha House que j’ai la chance de piloter à Johannesburg (la maison de Gandhi, Satyagraha House).
Son roman tout d’abord parle de la vie de Gandhi en Afrique du Sud et surtout de la vie qu’il connut auprès de son grand ami Hermann Kallenbach. Ce dernier est d’ailleurs le narrateur de ce livre. On y découvre une amitié hors du commun et l’on rentre dans l’intimité de leur vie, de leurs luttes et l’on découvre un autre Gandhi. Un Gandhi moins saint, plus humain, à mon sens plus réel. Ce roman est passionnant et il s’inspire des nombreuses lettres que les deux hommes ont écrites et se sont écrites entre 1904 et 1913. A quelques détails prés, moi qui ai travaillé sur la question, je n’ai pas eu de grosses critiques à faire. Et puis, cela reste un roman, donc une interprétation du réel sans avoir la prétention d’être réel.
Mais nos échanges ont été intéressants. Gandhi est une figure extraordinaire. Mandela est de cette trempe. Un homme éternel, une icône, un symbole, bref un saint. Or, les saints n’existent pas et un homme demeure un homme avec ses défauts mais aussi ses choix. On découvre un Gandhi très exigeant voire despote avec ses proches. Mais comment ne pas l’être quand on devient soi-même un symbole, quand par sa propre vie on exprime un message. Ses proches se devaient d’être dignes de son message. Mais cela leur causa bien des souffrances et des renoncements. Gandhi était un homme comme un autre, mais sa vie, son histoire et son cheminement intellectuel l’ont amené là où peu d’hommes ont la chance de s’aventurer. Et il l’a fait alors qu’il était un homme de 30 à 40 ans…
A travers le récit de Georges Sinoué, on ressent la vie en Afrique du Sud au début du 20ème siècle et l’on ressent la construction d’un homme universel et tout ce que cela a entraîné dans sa vie et la vie de ses proches. Et c’est un de ses proches, l’architecte, ami et mécène, Hermann Kallenbach qui parle de son ami, une amitié amoureuse qui déplaça des montagnes et construisit un homme qui allait changer le monde et son pays… mais pas seulement. Mandela se réclamait de Gandhi, en partie du moins. Et nombreux de ses actes furent dictés par l’expérience de Gandhi. Les indiens étaient très présents autour de Mandela et avec son style, son histoire et son pays, il se dessina un destin aussi grand que le grand indien.
Evidemment je vous conseille de lire « La nuit de Maritzburg » en faisant l’effort que j’ai fait il y a un moment déjà, de ne pas surestimer l’Homme, ne pas être dupe mais ne pas non plus habiller toute chose de cynisme. Sa version de la vie sud africaine de Gandhi n’est peut être pas la vérité car la vérité de sa vie d’alors dépendait aussi du regard qui était porté dessus. Mais c’est une vérité, une interprétation de ce grand homme qui commença à construire son destin en Afrique du Sud… finalement aussi un message comme je l’ai ressenti qu’en chacun de nous sommeille un grand homme qui s’ignore… qui se cherche.
A chacun sa quête.
Bonne lecture
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