Nous sommes pétris de certitudes sur l’Afrique et l’Afrique du Sud ne fait pas exception à cette tendance très humaine que d’avoir un avis sur tout et surtout des vérités pour chaque chose. Vue du reste du monde, l’Afrique est souvent considérée une terre de drame, de conflit, de pauvreté, de cruauté parfois, de problèmes économiques insolubles, de drame permanent. La permanence des conflits et des problèmes économiques détournent notre regard de ce qui change, de ce qui avance et même quand les choses avancent… on y voit le signe d’un recul. Bref on regarde le continent africain avec un regard attristé, les yeux plissés, une sorte de complaisance rassurante face à nos crises européennes ou mondiales, dans le genre « y’a pire ailleurs ». Alors on se rassure avec les tragédies et les situations horribles que traversent parfois le continent.
Puis, le voyageur se fait son idée, faussée forcément mais une idée de ce qu’est la vie quotidienne. Certes sans écran plat, Wifi et autres conforts modernes, la vie continue et la vie se déroule ni plus dramatique ni plus minable qu’ailleurs. Elle est différente et la notion de bonheur l’est aussi. Le bonheur n’est pas lié au plaisir d’avoir mais à celui d’être… vivant… avec les siens. Voici le luxe des pays plus pauvres, celui de n’avoir le choix que de vivre pour l’essentiel : vivre, manger, travailler. Le confort amène avec lui des questions bien différentes, certains diront plus profondes, d’autres plus superficielles. Je dirais par provocation qu’elles divertissent ceux qui ont tout.
L’Afrique du Sud ne fait pas exception à ces préjugés : une classe politique corrompue, un président qui ferait passer Berlusconi pour un enfant de chœur de la corruption, le Sida qui touche prés du tiers de la population et une criminalité qui ne cesse d’alimenter la presse friande de misère humaine et de drame. Alors, la société est composée de deux regards, le regard béat de l’optimiste, celui qui voit le rayon de soleil derrière le nuage noir et celui qui entend le tonnerre gronder avant qu’il ne pleuve et même après qu’il ait plu. La vérité est forcément entre les deux.
L’Afrique du Sud est un pays développé qui a encore une classe « ouvrière » ou pauvre très importante. Trop peu d’efforts ont été faits pour l’éducation pour espérer changer les choses rapidement. Mais elles changent. La classe moyenne augmente, le pays aussi, le niveau de vie augmente. Certes le marché du travail est précaire et nombre d’entreprises prospèrent sur cette précarité. Mais malgré cela, nombre de sud africains vivent et sont heureux, quelque soit leur niveau de vie. En gros « l’argent ne fait pas le bonheur »… mais y contribue t’il ?
Quelque soit la couleur des gens, la société consumériste grignote l’Afrique du Sud comme elle a dévoré le monde… dès que l’on arrive à Johannesburg ou au Cap, le premier symbole, c’est LA voiture, des berlines propres et rutilantes et chères aussi qui roulent sur les grandes highways, puis les maisons sublimes, dignes des plus beaux quartiers hollywoodiens, bref on voit beaucoup de choses qui brillent en Afrique du Sud… parfois trop et parfois d’un goût douteux… le symbole de cette absurdité est Sandton, un Mall (centre commercial) gigantesque fait de marbre et peuplé de « belles » boutiques que l’autoroute sépare du township le plus misérable de la ville, Alexandra. Les vues aériennes sont assez choquantes… mais vu du sol, les deux mondes ne se touchent guère et s’ignorent tout en se craignant. Je me suis toujours demandé de quel côté de l’autoroute on était le plus heureux. Certes pas forcément à Alexandra connue pour sa criminalité et dont la pauvreté est flagrante… mais est-ce si évident ? La propriété est elle gage de bonheur et de sécurité, les enfants sont ils plus heureux quand tous leurs désirs sont satisfaits… le rêve s’accommode t’il d’être réalisé dans la réalité.
Tout cela est bien facile à écrire d’un fauteuil confortable en regardant ma grande carte de l’Afrique et en me plongeant dedans. Ce soir, je sais que je mangerai, demain, je sais que mes enfants iront à l’école et n’auront pas faim ni ne craindront pour leur sécurité. Mais suis-je plus heureux dans la solitude de mon confort ? Et cela me protège t’il de la tragédie ? Je vis comme tout le monde civilisé dans l’illusion que le confort et l’avoir vont me protéger de mon destin… Vaut-il mieux n’avoir rien à gagner que rien à perdre…
La vie des townships sud africains montrent la créativité et l’énergie dont font preuve nombreux sud africains. A l’image de l’énergie qui se dégage parfois des banlieues françaises, les townships sont l’avenir de l’Afrique du Sud. Les créateurs les plus en vu, les artistes, et même les hommes politiques actuels du pays viennent tous de là… il s’agit de ne pas l’oublier et de ne pas oublier que le bonheur se cueille partout, sur le marbre de Sandton ou sur le sol souillé d’Alexandra… il ne dépend que de nous de voir le rayon de soleil qui se dégage de l’ombre.
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