Se faire charger par un éléphant est une expérience qui arrive à toute personne qui fait des safaris. J’étais encore à mes débuts de safaris. Je vivais en Afrique du Sud et j’avais alors choisi de passer quelques jours dans la très belle réserve de Hluhluwe Umfolozi. C’était une première alors et j’étais ravi de voir des paysages si différents, vallonnés, vert et très variés…. Il faisait chaud et déjà quelques rhinocéros s’étaient montrés, ce qui est normal dans cette réserve créée en 1895 pour les préserver… déjà.
Je roulais fenêtres ouvertes et depuis quelques dizaines de minutes, il n’y avait plus rien. Quand tout à coup j’entends au loin le barrissement d’un éléphant… vraiment au loin. Les minutes qui suivirent furent animés de ces bruits puissants qui résonnaient dans toute la réserve… toujours rien mais le bruit se rapprochait. Je roulais. Sur la piste commençaient à apparaître des branches d’arbres arrachées et des traces dans tous les sens… le barrissement se rapprochait ou c’est plutôt moi, avec ma petite City Golf qui me rapprochait de lui.
Tout à coup, à 300 mètres devant moi, sur le côté de la piste, installé fièrement mais en train de détruire un arbre, un grand mâle solitaire s’agitait. Ma voiture était d’un coup toute petite et lui… très très grand. Impossible de passer discrètement sans qu’il nous voit… il semble s’être installé ici pour en découdre… j’avance doucement avec le secret espoir qu’il décide de se pousser. Il ne se pousse pas. Il n’avance pas. Il me regarde alors que sa trompe continue de déchiqueter l’acacia voisin.
Impossible de faire marche arrière… je ne suis plus qu’à 150 mètres de lui et je n’irais pas assez vite pour m’enfuir… le face à face dure de longues minutes. Je ne vois pas d’issue et lui, il attend, comme s’il savait que je n’avais d’autres choix que d’être le spectateur impuissant de sa colère… Il commença sans raison (puisque je restais sagement immobile) à secouer ses oreilles… et à barrir… à avancer de quelques pas brusquement, puis à s’arrêter. Mon immobilisme semblait l’énerver encore plus que si je le narguais. Il commença à courir vers moi, vite. Puis il s’arrêta après quelques mètres… que l’on se sent seul dans de pareils moments.
Puis inexplicablement, il courut sur une butte qui longeait la route et la surplombait. Il avait l’air d’un géant, il se mit alors à barrir de plus belle et ses oreilles battaient si fort que sa tête semblait avoir doublé de volume. Je ne voyais pas ses yeux… et je ne voyais qu’eux… Un choix s’imposait à moi. Soit j’attendais encore mais il ne pouvait quitter la butte de terre qu’en revenant sur la piste. Ou tenter un coup de force, challenger ma petite voiture et tenter de lui passer sous le nez…
J’avais le sentiment d’être le buteur devant son but avec diverses solutions mais où seule une est victorieuse. Je décide donc de foncer… je prends mon courage (et mon volant) à deux mains, j’enclenche la vitesse et le silence avant la tempête était détruit pas les barrissements. C’est parti, je fonce… je me rapproche de la bute et avant de la contourner, je vois l’éléphant qui s’énerve de plus belle et entame la descente vers la route… et vers moi. J’appuie à fond et comme le but en pleine lucarne, sa trompe passe à quelques centimètres du bleu et blanc de ma voiture… il la poursuit… mais en marche avant, je suis bien plus rapide… ouf…
300 mètres plus loin, je m’arrête… il était déjà en train de déraciner un autre arbre. Je venais de passer à côté d’une mort certaine ou au moins de la mort de ma petite voiture. Tel celui qui saute à l’élastique, je venais de tromper la mort… j’étais ravi, plus heureux que jamais… mais mon cœur mit du temps à battre normalement. C’était la première fois, pas la dernière, mais c’est celle que je n’ai jamais oubliée.
Lire ton histoire m’a donné froid dans le dos. On ne s’en rend pas compte et on se dit souvent « mais oui, ça n’arrive qu’aux autres », alors que les « autres » justement, ça peut être tout à fait nous !