Les élections se sont déroulées et le scrutin a sans surprise réélu l’ANC et Jacob Zuma a la tête du pays. Alors que vu de loin, cette élection était loin d’être jouée, alors que le président Zuma est empêtré dans des scandales, soupçons et affaires morales diverses. Avec notre regard lointain, on se dit que tout annonçait la fin de l’ANC. Or, il n’en est rien, en voici les raisons.
L’ANC est le parti de Nelson Mandela, ce fut la structure politique, militante la plus forte qui négocia la fin de l’apartheid et dont son dirigeant prit le pouvoir. C’était il y a 20 ans seulement. Les sud africains et les sud africains noirs ont encore de la mémoire et cela même si la génération actuelle n’a finalement que peu ou pas connu l’apartheid, elle est encore fraîche dans les esprits et certainement encore actuelle dans certains aspects de la vie sud africaine.
L’aspect le plus criant et, comme par hasard, celui que l’ANC s’est empressé de condamner… doucement. Le pouvoir économique des blancs. Cette minorité blanche est encore au cœur du pouvoir économique du pays. La plupart des entreprises et tout le pouvoir économique est entre les mains des blancs et malgré la fin de l’apartheid, cela n’a que peu changé. Certes, il existe des réussites économiques noires, même des exploitants de vins noirs, des dirigeants d’entreprises importantes noires. Certes une minorité noire est très aisée et peuplent de plus en plus les quartiers chics des grandes villes…
Mais la réalité, c’est que l’affirmative action a posé des noirs à la tête d’entreprise qui appartiennent aux blancs. Ce sont donc des dirigeants mais pas les vrais patrons. Ça c’est pour le sommet de l’iceberg. Mais quand vous sortez du Gauteng, vous voyez que dans les villes de province, le pouvoir économique, les terres, symbolisées par ces grandes fermes, sont aux blancs. Au Cap, les choses ont peu changé sur l’aspect économique. Enfin, dans le mode de management des salariés (noirs principalement), l’Afrique du Sud connaît un management assez musclé loin de nos états d’âme européens, muscle dopé par un taux de chômage trop important et donc une main d’œuvre abondante, bon marché et corvéable à merci.
Alors, l’ANC, malgré ses problèmes que rencontrent finalement tous les partis au pouvoir dans le monde, malgré les frasques supposément indignes de son président, la réalité impose l’ANC à la tête du pays, faute de vraie alternative organisée, faute de vrai changement sur certains aspects de la vie sud africaine. Et nous en arrivons là au seul vrai échec ou renoncement de Mandela dans le but de préserver la paix et la construction sud africaine. Il n’était pas question de supprimer le pouvoir économique aux blancs. Tout d’abord, l’Afrique du Sud a besoin d’eux et les freiner aurait été une vraie erreur historique. Toutefois, l’ANC est initialement un parti de gauche et il aurait pu s’inspirer de cette orientation pour influer sur la vie économique du pays un vent mesuré d’état providence permettant une meilleure protection sociale et une vraie amélioration de l’éducation dans ce pays.
Mais tout n’est pas noir… ni blanc, il y a de très belles et grandes choses qui ont été faites. Mais la question que cette réélection pose est la suivante : quel intérêt a l’ANC à changer les choses ? Cette inégalité raciale invisible et pourtant réelle maintient dans l’esprit de tous, le souvenir de l’apartheid. L’ANC est donc le seul recours. Le populisme pré élection n’y changera rien… pour l’instant. Personne n’a intérêt à changer les choses, en tout cas personne qui ait le pouvoir économique ou politique. Mais l’Afrique du Sud s’est montrée par le passé bien obstinée à suivre son chemin vers la vérité… son histoire et le souvenir de son grand homme devrait la protéger un peu encore des extrêmes, mais l’Afrique du Sud devra changer et ce changement dépend de quelques courageux au sein de cette élite noire et blanche, qui pourront peut être marcher dans les pas et poursuivre l’œuvre, certes avec moins d’éclat, de Nelson Mandela.
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